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Sabine Devieilhe et les Ambassadeurs à la salle Gaveau

Ca-y-est, nous y sommes : après avoir conquis de nombreuses villes de province, dont Montpellier  ou bien Lyon, et totalement séduit la grande dame Paris, « Sabine Devieilhe » est à présent le nom que tout le monde attend de voir sur les affiches. A seulement quelques mois d’intervalle, l’opéra royal de Versailles a lui-même a courbé l’échine, suivi de près par les scènes de l’Opéra Comique et de l’Opéra Bastille. Gaveau arrive alors, et le public suit, pressé de se délecter de chaque note que la jeune colorature prononce. Mais plus l’attente et l’espoir sont grands, plus le risque de déception l’est… Après un tel récital magique à Versailles, la barre était haute… trop haute ? Mes oreilles étaient prêtes à en découdre.

Nulle bataille cependant, malgré quelques sons surprenants à l’ouverture. La galanterie des Indes Galantes fut-elle légèrement mise à mal ? Je l’ignorais et, vu mon peu de légitimité, ne souhaitais pas m’attarder sur ces questions pour le moment, d'autant plus que « la » Devieilhe posa les pieds sur scène…La magie de Versailles se reproduisit alors. Différente, c’est incontestable, mais Gaveau n’est pas Versailles, et l’opéra royal ne serait pas l’opéra royal sans cela.« Tendre amour », qui avait déjà totalement embrumé mon esprit en novembre dernier parvint à le jouer à nouveau, et je n’imagine pas que l’on puisse rester de glace ou de marbre en entendant et en voyant cette jeune femme incarnée chanter cela. Avouons-le : Sabine Devieilhe n’est pas qu’une voix. Il serait hypocrite de ne pas admettre que le charme de l’ouïe est complété par celui de la vue, mais cela ne suffit pas à expliquer le caractère exceptionnel de cette artiste. A ces premiers charmes s’ajoute une personnalité que l’on sent sympathique, même sans la connaître, et surtout un véritable travail d’interprétation. Voir Sabine Devieilhe, c’est voir des personnages, des histoires, ou encore la musique s’animer et prendre vie. C’est également l’occasion de voir une grande voix en récital officiel arriver sur scène sans chaussure pour honorer le caractère sacré des chants religieux de la seconde partie du spectacle (du moins est-ce ainsi que je l’ai compris).Surprenante simplicité flagrante qui cache la complexité du travail en amont, au service de la grande intelligence de la personne et de l’artiste que nous prenons toujours plaisir à voir sur scène, et bien sûr à entendre.

Toutefois, il serait injuste et malhonnête de ne parler que de la jeune chanteuse : cette soirée fut l’occasion d’entendre Alexis Kossenko et Zefira Valova, deux musiciens exceptionnels interprétant des solos vertigineux, l’un de flûtes, l’autre de violon. Une véritable découverte personnelle concernant la violoniste bulgare dont la rapidité et la justesse de jeu se sont pleinement mis au service de la musique. Quant au chef flûtiste, il est indéniable que nous l’avons vu dans son élément lors de cette soirée.

Il est vrai que si nous résumions un peu vite, nous pourrions dire que nous avons vu à la salle Gaveau une cantatrice pieds nus et un joueur de flûte à la musique entraînante… Un univers de saltimbanque dans un décor historique et solennel, un « choc des cultures ». Même si cela rendrait bien compte de la simplicité et de l’accessibilité des artistes, ainsi que de leur générosité, il n’en reste pas moins que ce concert fut bien davantage.

Je conclurai enfin par ceci en disant qu'un article d’Arte qualifiait la soprano de « nouvelle étoile », mais après de tels moments, c’est mal lui rendre justice : nous assistons depuis quelques temps à la naissance d’un firmament grâce auquel les étoiles naissent dans nos yeux et nos oreilles, et c’est avec un réel plaisir que je garde la tête bien au-dessus des nuages...

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RESMUSICA, Premier grand récital parisien de Sabine Devieilhe  :

 

C’est à la Salle Gaveau que Sabine Devieilhe proposait son premier grand récital parisien. Celle qui fut repérée par Jean-Claude Malgoire n’a cessée depuis de confirmer auprès du public et de la critique les espoirs placés en elle. Avec, entre autres, un prix de l’ADAMI en 2011, un autre aux Victoires de la musique classique en 2013, une participation au concert de prestige donné à Versailles lors de la visite d’Etat du président chinois Xi Jinping en mars 2014, et un disque Rameau (Le grand théâtre de l’amour) devenu en quelques mois un best seller, tout semble sourire à cette jeune soprano léger française.C’est donc tout naturellement Rameau, dont on commémore en 2014 le 250e anniversaire de la mort, que les musiciens présentaient au public parisien venu en nombre. Après un clin d’œil au compositeur dijonnais et sa « danse des sauvages » à travers un extrait du Concerto comique n°25 de Michel Corrette, l’ensemble Les Ambassadeurs en effectif très réduit reprenait le même principe que le disque, à savoir un parcours à travers les œuvres vocales de Rameau, alternant pièces instrumentales et airs tirés d’Anacréon, Les Indes Galantes, Les Paladins ou Platée. Si les extraits retenus diffèrent en partie de ceux du disque, on retrouve Sabine Devieilhe dans la peau d’héroïnes et de figures allégoriques des opéras de Rameau. La soprano se révèle à nouveau bonne comédienne et fine musicienne, très agile techniquement mais également touchante, notamment dans le tendre duo avec traverso « Viens, Hymen », tiré des Indes Galantes. Tout juste peut-on regretter un manque d’assise dans les tessitures médianes et graves pour que le plaisir ne soit complet, mais indéniablement une voix, un timbre, une présence qui retient l’attention.

La deuxième partie du programme, consacrée à Vivaldi, permettait d’apprécier tour à tour la virtuosité (mais aussi la poésie dans les mouvements lents) de la violoniste solo de l’ensemble Zefira Valova et celle d’Alexis Kossenko au flautino dans deux célèbres concertos (surtout le RV 443) du « Prete rosso », malheureusement perturbés par des applaudissements du public entre les mouvements. Intercalés entre ces concertos, deux motets à voix seule, le Laudate pueri, Dominum RV 601 (ici sans orgue dans le continuo, ni hautbois), et la première partie du In furore iutissimae irae RV 626, un tube, dans lesquels Sabine Devieilhe fait à nouveau preuve de clarté dans l’émission et d’une belle aisance vocale. Les Ambassadeurs se montrent, comme d’ailleurs dans le reste du programme, des accompagnateurs vifs et attentifs.Un concert fort réussi et la promesse que la succession des Massis, Dessay, Piau, Petibon est assurée.

 

 

http://www.resmusica.com/2014/05/02/recital-parisien-de-sabine-devieilhe/

 

 

FORUMOPERA, L'évidence Devieilhe

 

Conquis par son album « Le grand théâtre de l’amour » (voir compte rendu), nous voulions nous assurer que la magie opérait également en live. Or, Sabine Devieilhe a véritablement mis le feu à la Salle Gaveau le 29 avril dernier. De format plutôt modeste, la voix ne regorge pas de couleurs, mais elle est parfaitement conduite et la pureté de ses harmoniques, sa fraîcheur, sa lumière sont sans prix chez Rameau. Cependant l’organe n’est pas tout. Dès l’air tiré d’Anacréon, « L’Amour est le dieu de la paix », l’adéquation au répertoire s’impose avec la force de l’évidence : notes et mots semblent littéralement couler de source, avec une apparente spontanéité et une aisance confondante, la musicienne se doublant d’une narratrice supérieurement douée qui, d’une inflexion, d’une respiration, sait nuancer, suspendre ou relancer le discours, en totale osmose avec Les Ambassadeurs. « Quiconque l’entend avec le cœur, observe leur chef Alexis Kossenko, connaîtra que Rameau est tout entier le serviteur de l’expression et du sentiment, et qu’il s’emploie même à dissimuler la complexité et la science de son écriture pour atteindre à ce « naturel » idéalisé, selon son principe : cacher l’art par l’art même. » L’ensemble a développé une compréhension si intime de l’idiome ramiste qu’il crée l’illusion d’une musique en train de s’écrire dans l’immédiateté de la performance.
Nous nous attendions à retrouver les pleurs de Zélidie (Zaïs) ou du moins la déchirante plainte de Télaïre (Castor et Pollux), mais le pathétique n’a pas sa place dans un programme dominé par la grâce fugitive et la candeur des premières amours, au demeurant fort bien agencé comme en témoignent d’habiles transitions entre pages vocales et orchestrales. La Folie de Sabine Devieilhe (« Aux langueurs d’Apollon ») apparaît ici un rien plus libre, plus joueuse qu’en studio, mais elle conserve une légèreté de touche délectable. En outre, lelive nous révèle pleinement ce que l’enregistrement laissait entrevoir : le charisme de l’artiste et l’énergie qui l’anime. Il faut la voir bondir et courir sur scène, nu-pieds, pour venir saluer lorsque le public la rappelle, alors même que le concert n’est pas terminé : cet élan, ce sourire, ce rayonnement sont tout simplement irrésistibles.
Les organisateurs craignaient-ils de lasser en programmant une soirée 100 % Rameau ? C’est mésestimer la capacité de renouvellement du compositeur et sa prodigieuse inventivité. Après l’entracte, Sabine Devieilhe doit partager la vedette avec la violonisteZefira Valova et Alexis Kossenko, héros du « Grosso Mogul » RV 208 et du concerto pour flûte sopranino RV 443 de Vivaldi. Les Ambassadeurs, même en formation chambriste, auraient pu nous offrir d’autres danses tirées des ouvrages scéniques de Rameau ou encore l’une de ses suites de clavecin en concert. Celle-ci aurait eu l’avantage de mettre en avant le talent remarquable, mais en l’occurrence sous-exploité, de Jean Rondeau qui, à 21 ans, remporta le premier prix au prestigieux et si exigeant Concours International de Bruges (2012).
Certes, Zefira Valova et Alexis Kossenko ne déméritent pas et suscitent d’ailleurs l’enthousiasme d’une frange particulièrement démonstrative de l’auditoire qui applaudit à l’issue du premier mouvement, voire après la sicilienne du concerto RV 443 enlevée avec juste ce qu’il faut de fantaisie par Alexis Kossenko. Toutefois, l’irruption de Vivaldi introduit un hiatus insurmontable que consacre l’esthétique rococo du Laudate Pueri RV 601. Sa virtuosité, nettement moins expressive qu’instrumentale, nous propulse à des années-lumière de Rameau alors que son ample tessiture souligne chez la soliste la transparente minceur du bas médium. Néanmoins, son sens de la caractérisation fait mouche dans le pittoresque lever du soleil (« A solis ortu ») comme dans l’aérien « Gloria patri » avec partie obligée de flûte traversière dont les premières mesures ne sont pas sans évoquer le « Sol da te mio dolce amore » de Ruggiero (Orlando furioso).
L’aria liminaire du motet In furore iustissimae irae appelle une vocalisation un peu plus incisive et le feu d’artifice conclusif ne crépite sans doute pas comme il le devrait, mais il n’entame en rien le triomphe de Sabine Devieilhe. Un anonyme lui jette un bouquet depuis le premier balcon et la chanteuse d’offrir en bis la déploration d’Isilde dans le Giove in Argo de Lotti, « Sospirando, lagrimando », émouvant, mais trop fugace point d’orgue d’un improbable récital où le soleil avait rendez-vous avec la lune.

 

 

http://www.forumopera.com/spectacle/levidence-devieilhe

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