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Phèdre, de Racine,

au Théâtre des Célestins de Lyon,

du 8 au 17 octobre

Si la qualité du texte de Racine n’est plus à prouver, il n’en est pas de même avec les acteurs et la mise en scène. Là est parfois le véritable drame…

 

 

Nada Strancar (OEnone) était, quant à elle, est d’un jeu assez inégal, souvent inaudible, ce qui est dommage car elle est des plus crédible dans son attachement à Phèdre. Peut-être n’est-ce qu’une impression personnelle, mais j’ai eu l’impression que l’amour qui la liait à sa maîtresse était ici d’une autre nature que celui de la servante, ou même de l’amour maternelle. Cette nuance, discrète et pourtant présente, est un ajout que je trouve très intéressant. Est-ce la volonté du metteur en scène ou bien le jeu de l’actrice qui est à féliciter ici ? Toujours difficile à dire…

Pierre-François Garel (Hyppolite) tient son rôle, et ne bascule ni dans le mauvais, ni dans le bon, malheureusement. Certes, ce personnage est fier, noble, se veut impassible (sauf après l’aveu de son amour à Aricie), mais il lui manque cependant quelque chose dans l’interprétation pour le rendre plus crédible et réel au milieu des autres personnages. Ne soyons pas trop sévère : à part quelques légères bafouilles dans la prononciation, le contrat est respecté, et le jeu n’est pas faux, à défaut d’être d’une indiscutable justesse.

Puisque l’on parle de bafouilles, tournons-nous à présent vers Julien Roy (Théramène), dont la langue fourcha légèrement au tout début de la pièce, avant de marquer un sans-faute dans le célèbre monologue et l’hypotypose narrant la mort du jeune prince. L’acteur parvient à nous embarquer dans le tableau qu’il dépeint. Rien qui ne soit merveilleux, mais il vrai que beaucoup ne réussissent pas dans ce rôle, ce qui tend à souligner lorsque l’exercice est réussi.

Dernier rôle féminin marquant de la pièce, Camille Cobbi, Aricie, cette jeune princesse qui n’est plus libre, véritable pendant d’Hyppolite qui vainc ce cœur si fier et hermétique à l’amour. Le rôle est extrêmement secondaire, et l’on ne peut pas véritablement critiquer l’interprétation de la jeune actrice, pourtant juste dans le peu que l’on voit, la pauvre étant en plus secouée de toute part sur scène, entre un Thésée curieux et un Hyppolite qui a hérité de la fougue de son père, blessé que son amour soit pris pour de la haine. Certainement…. aurait-elle pu briller dans un autre rôle, et je reste assez curieuse de la voir plus longuement.

Finissons donc avec la belle surprise de cette représentation : Olivier Werner qui campe un superbe Thésée, atemporel et crédible, marquant les alexandrins sans les appuyer, juste dans l’excès du personnage comme dans ses doutes et son amour, puissant dans sa fureur, amoureux aveugle de sa femme mais d’un terrible dédain pour celle qui le prive de son fils, lâchant les derniers mots de la tragédie : « Que, malgré les complots d'une injuste famille,/ Son amante aujourd'hui me tienne lieu de fille ! », les faisant résonner tel un glas sentencieux. Tout simplement superbe. Un nom que je retiendrai et que j’aurai plaisir à revoir sur scène.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parlons enfin de la mise en scène. Christophe Rauck parle d’un cadre de XVIIe siècle, mais il s’agit d’un décors de l’époque du Moyen Âge avec la tapisserie murale servant d’unique mur dans laquelle sont découpées deux ouvertures pour le passage des acteurs et pour le lit, sans oublier les armures accrochées sur le côté du théâtre et celle avec laquelle Thésée arrive par le dessous de scène en brisant les planches du sol, portant pour casque une tête de taureau. Il sort ainsi de ses enfers pour arriver dans la tragédie qui lui coûtera femme et enfant. C’est ce qu’on appelle aller de Charybde en Scylla. Le mobilier et les costumes, quant à eux, mélangent les époques et les genres, ne nous situant finalement nulle part et sans époque. La sobriété de la mise en scène rend cette absence de cadre spatio-temporel finalement peu gênante, mais nous centre sur le jeu des acteurs qui, comme nous l’avons vu, aurait mérité d’être quelque peu « caché » par une mise en scène plus présente.

 

Pour résumer, lorsque l’on s’attaque à un tel classique, qui plus est du maître de l’alexandrin tragique, le droit à l’erreur est minime, proche de l’inexistant, notamment sur la diction qui doit être parfaite. Les personnages ne sont plus des inconnus pour les spectateurs, et certains vers sont même attendus, de même que certains airs à l’opéra, rendant le niveau d’exigence du spectateur supérieur à l’attente habituelle. Le pari est risqué et il faut être extrêmement sûr de soi et de ses acteurs pour se lancer dedans. La maison ne gagne pas toujours, malgré l’atout qu’est son roi…

« Je ne voulais pas mettre le style de l’écriture en avant. Seul le rythme des douze pieds m’importait ;[…] » Avouons que ce rythme fut pourtant mis à mal par les comédiens, et tout particulièrement par Cécile Garcia Fogel (Phèdre elle-même), choquant parfois l’oreille sur certains vers tant attendus, comme le célèbre : « Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire ». Paradoxalement, la passion dont elle faisait preuve lors de certaines scènes et l’accélération de rythme, avant de marquer un arrêt ou un ralentissement, sont toutefois à relever, nous emportant dans le tourbillon de son discours. Quel dommage, vraiment, que ces petites fausses notes dans les rimes attendues : sans cela, le timbre chaud de la voix de l’actrice n’aurait sans aucun doute bien plus marqué les esprits et aurait été un véritable atout pour cette Phèdre. Le jeu, lui, frôle la déception en chatouillant la caricature : Phèdre devient ici une sorte de cougar par sa démarche, moins complexe que ne le veut le texte de Racine, véritable fausse victime perdant sa magnificence. Il s’agit d’une femme à la démarche féline, presque bestiale, se dandinant sur le sol presque comme un verre de terre à diverses reprises… Est-ce la volonté du metteur en scène, ou bien le jeu de l’actrice qui est à blâmer ici ? Difficile à dire…

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