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Les Fausses Confidences de Marivaux au théâtre des Célestins de Lyon

Confidences pour (Fausses) Confidences…

 

 

 

     La pièce de Malraux mise en scène par Luc Bondy à Paris descend, pour la plus grande joie des lyonnais, dans la capitale des Gaules. Il ne servirait pas à grand-chose de reprendre les nombreuses critiques qui ont déjà plu lors de la programmation parisienne, et l’on se doute aisément que son succès vaut bien ces dernières. Une pièce jouée à guichet fermée a-t-elle d’ailleurs encore besoin d’une autre sorte d’évaluation ? Assurément, car un tel fait traduit une grande attente de la part de public et une superbe promesse de la part de l’équipe artistique… Avouons-le : ce succès fulgurant tient à un seul nom : Isabelle Huppert.

     L’intimidée provinciale que j’étais se demandait donc si la comédienne principale serait à la hauteur de ce grand nom qui la précède à présent en tout lieu. Il faut bien l’admettre, j’avais peur de la déception, terrible fléau qui suit bien souvent les grandes attentes… Les premières minutes du vendredi 4 avril confortèrent cette crainte : un jeu parfois en demi-teinte (ou, pour être honnête, plus proche du « trois quart teinte ») et surtout une articulation générale des comédiens qui manquait de netteté… Je voyais déjà tout un monde de certitude s’écrouler : quoi ? La simple présence d’Isabelle Huppert n’était pas un signe de qualité, de magie, de garantie ?

     Heureusement, ce bref début malheureux de quelques minutes à peine s’estompa, et il ne s’agissait probablement que d’un léger temps de démarrage pour lancer la machine, cette machine bien huilée, sorte de locomotive (en)traînant la foule de wagons, ou bien les wagons de cette foule assise qu’est le public. Peut-être est-ce dû au fait que j’avais déjà vu la pièce, mais ce démarrage assez fragile n’avait pas eu lieu le samedi 5, l’articulation des artistes étant bien présentes dès les premiers mots… toutefois, si le début était plus assuré, la fatigue des comédiens, parfois hésitant sur le texte, oubliant d’enlever le portrait et son coffret de la scène durant toute la dernière partie, etc… était elle aussi bien présente (mais pas gênante, rassurons-nous). Quoi qu’il en soit, la pièce prit bien vie sous mes yeux, et chacun des soubresauts menant à sa fin était étrangement juste et prenant : chacun des personnages, chacune des voix, chacun des gestes et regards devenaient un instrument distinct d’un orchestre interprétant une symphonie en parfaite harmonie.

       Et quel orchestre ! Ah ! cette Isabelle Huppert, quel instrument fabuleux ! On a l’impression d’un superbe violon qui magnifierait n’importe quelle partition, même jouée par un musicien lambda, ou débutant ! Face à elle, Louis Garrel, jeune violoncelle qui vient charmer et tisser le thème de la symphonie, entraîné par Dubois, accordeur de génie, hautbois discret mais jamais bien loin. Les percussions de l’oncle Rémy (Bernard Verley) sont tout en modulation entre force, puissance et tonitruance face à la mère, étrange flûte traversière interprétée par Bulle Ogier, et sourdine lorsqu’il apparait au début de l’œuvre, marquant le crescendo de la pièce. N’oublions pas la flûte plus usuelle qu’est Manon Combes, Marton, tantôt grave, tantôt légère. Enfin, la trompette qu’est Jean-Damien Barbin, Arlequin, sait se placer sans nuire à l’ensemble, et soulève avec drôlerie ses camarades !

      Ainsi, rien ne manque, et rien n’est en trop. La musique est parfaite, agrémentée par une mise en scène savamment dosée, à la fois épurée, mais assez consistante. On sait où l’on est, les murs sont là mais n’enferment pas, aucune oppression, bien au contraire : nous gardons l’impression que tout peut échapper au contrôle des personnages. Comme les murs, rien n’est fixé, rien n’est figé : nous sommes dans un décor mouvant, glissant, un peu comme ces confidences entre deux eaux, entre deux êtres, peut-être plus mais jamais moins.

 

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