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Il Trovatore de Verdi

au festival de Salzbourg 2014

Arte écrit ceci sur la page replay de cet opéra :

""Il Trovatore" est l’opéra romantique par excellence : des mélodies à profusion accompagnent une histoire de passion et de rivalité fraternelle. Le metteur en scène Alvis Hermanis retrouve le Festival de Salzbourg pour y donner sa vision de l’opéra de Verdi, avec Anna Netrebko et Plácido Domingo dans les rôles de Leonora et du comte de Luna.

Espagne, début du XVe siècle. Deux frères que tout oppose s’affrontent pour l’amour d’une femme et le pouvoir politique. L’un est le comte de Luna ; l’autre, enlevé et élevé par la gitane Azucena, est devenu trouvère.

Tous les éléments d’un romantisme noir sont réunis dans "Il Trovatore" : châteaux, bûcher, gitans, soldats et nonnes. Au cœur de chacun des tableaux, les récits d’un lointain passé éclairent les sentiments qui animent les protagonistes : amour, jalousie, haine et désir de vengeance dont ils finissent par être les victimes. Après y avoir présenté Die Soldaten de Zimmerman et Gawain de Harrison Birtwistle, Alvis Hermanis retrouve pour la troisième année consécutive le Festival de Salzbourg pour y donner sa vision de l’opéra de Verdi. Quelle surprise nous réserve le très inventif metteur en scène letton ?"

 

L'intrigue est ici très résumée : ce livret d'opéra est particulièrement complexe pour cet art, sans être pour autant nébuleux (ce qui est un véritable tour de force). Infanticide, sorcellerie, bûcher, enlèvement, folie, fratricide, suicide sont autant d'éléments à rajouter à la liste donnée par Arte. Oui : la Mort nous salue de toutes ses formes, mais avec tant de beautés qu'on en redemande...

 

 

Il s'agit là, sans conteste, d'un opéra pour prima donna... à ceci près qu'il y en a deux! Si le rôle de Leonora (tenu par Anna Netrebko) est LE rôle de la jeune amoureuse, celui de Azucena (Marie-Nicole Lemieux dans la vie civile) m'avait déjà subjuguée lors de mon premier visionnage de cette oeuvre dans une autre mise en scène. Quel personnage! Il faut dire que pour la doctorante que je suis se spécialisant sur Médée, Azucena est plus qu'attirante et attrayante. Tant de complexité et de profondeur -profondeur qui se retrouve dans la timbre de voix de mezzo-soprano-, un quelque chose qui nous échappe, à la fois "terreur et pitié" pour un même personnage... un personnage qui, finalement, écrit toute la tragédie.

Il faut donc une interprète à la hauteur d'un tel rôle, ce qui est loin d'être évident. J'avais déjà vu le nom de Marie-Nicole Lemieux, mais je ne l'avais jamais entendue. Quelle découverte! Je suis sous le charme et totalement admirative d'un tel talent! La voix, pour commencer bien sûr, qui est une véritable voix de mezzo, grave, profonde, tout en étant claire et nette. Je n'ai même pas entendu de seuil ou de "cassure" entre graves et aigüs comme c'est habituellement le cas (mais il faut dire que je n'ai pas non plus pu regarder et écouter dans les meilleures conditions, ce n'est donc probablement qu'un défaut d'attention de ma part). A cette voix et à cette technique s'ajoute un véritable jeu et une interprétation à couper le souffle ; nous voyons presque ses visions, elle nous embarque dans sa folie et son horreur, dans sa blessure profonde et son traumatisme, dans son incommensurable peur... elle nous emporte et nous chavirons avec délice dans son supplice... Marie-Nicole Lemieux n'interprète pas Azucena, elle est véritablement Azucena. Une révélation pour moi!

Outre ce personnage qui me touche forcément par sa nature et sa filiation avec Médée, il y a bien sûr et surtout Leonora, cette femme qui n'a pas non plus à rougir de son rôle tragique, se sacrifiant doublement par amour : par la promesse qu'elle fait d'une part au conte di Luna (Placido Domingo), et d'autre part par la mort qu'elle se donne dans le but de ne pas respecter cette promesse et de mourir en étant à Manrico (Francesco Meli) plutôt que de vivre en étant à un autre. Enfin une jeune première qui a de la consistance!

Suite au récital de juillet, j'avais peur de ne pas être emportée par Anna Netrebko, n'étant pas particulièrement touchée par son timbre de velours si particulier. Pour ma plus grande joie, Salzbourg réussit définitivement à cette grande interprète qui y fut révélée il y a de cela onze ans maintenant (si je ne me trompe pas). La cantatrice russe nous emporte elle aussi dans son interprétation, maîtrise le jeu à la perfection, tout particulièrement dans son face-à-face avec Manrico en prison, où elle tombe à genoux... je ne crois pas avoir vu de larme, et j'ai pourtant l'impression forte de l'avoir vu pleurer. Anna Netrebko est ici déchirante pour notre plus grand plaisir, et l'on ne peut que saluer à l'unisson une telle interprétation. Plaignons la prochaine Leonora qui devra rivaliser avec le souvenir de celle-ci... son fantôme à elle, Dieu merci sans bûcher embrasé, mais bien sur des planches!

N'étant pas particulièrement touchée par les voix masculines en général, il m'est difficile de juger les rôles du conte di Luna et de Manrico. Placido Domingo n'est plus à présenter, et il n'est clairement pas désagréable de l'entendre ; il est vrai que son personnage m'a semblé ici bien plus consistant que lors de mon dernier visionnage, et il parvient à être présent sur scène face aux deux monstres féminins en face de lui. Rien que cela mérite d'être salué!

Francesco Meli, quant à lui, ne me disait rien (à part un air de ressemblance avec Sarah Connolly, mais peut-être devrais-je consulter pour cela), et j'avoue ne pas avoir été transportée par son interprétation. Rien de faux, loin de là : la voix était présente, le jeu n'était pas insipide, mais... quelque chose me dérangeait sans que je parvienne à mettre le doigt dessus. Peut-être était-ce légèrement trop joué par rapport à ses camarades de scène?

à l'unisson une telle interprétation. Plaignons la prochaine Leonora qui devra rivaliser avec le souvenir de celle-ci... son fantôme à elle, Dieu merci sans bûcher embrasé, mais bien sur des planches!

Dernier point enfin, mais pas des moindres : la mise en scène. Un mot : géniale. Dans le sens de "tenir du génie". Ce jeu entre musée et intrigue, présent et passé, rêve et réalité,... tout en restant d'une grande lisibilité pour le spectateur, tout ceci m'a véritablement envoûtée au plus haut point. Ces personnages de tableau qui prennent vie sous nos yeux, en se mêlant aux guides, cette foule de "fantômes" qui s'empare de la salle du musée qu'est la scène, ces spectateurs d'aujourd'hui qui assistent à l'histoire passée... Une véritable réussite, voir même un chef d'œuvre! 

 

Si un DVD sort, précipitez-vous et ne manquez pas un tel spectacle : vous n'en reverrez pas de si tôt, malheureusement...

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